Le président du groupe Valentin Traiteur poursuit son bonhomme de chemin avec un investissement programmé de 23 M€ sur deux sites, dont le site isérois de Rives, où Alpes Frais Production a emménagé, après avoir quitté Voreppe. Ambitionnant de dépasser les 100 M€ de chiffre d’affaires, il poursuit une croissance axée sur l’export et de nouveaux marchés.
Quels résultats avez-vous atteints en 2020, malgré un contexte compliqué ?
“Le site de Mably (Loire), spécialisé dans le snacking chaud à destination de la grande distribution n’a pas du tout été économiquement impacté par la crise même si des tensions, avec des visibilités de commandes compliquées à gérer, ont été remarquées lors du premier confinement. Les résultats seront identiques à l’année 2019, soit un chiffre d’affaires de 60 M€. Notre site rhodanien de Saint-Jean-de-Touslas adresse sa production d’aspics à la grande distribution. Si la société a été un peu plus perturbée dans ses flux, nous avons eu un report de presque un pour un des produits à la coupe vers le rayon libre-service. Il n’y a pas eu d’incidence significative en termes d’activité, avec 3,5 M€ de chiffre d’affaires.
Enfin à Rives, la société Alpes frais production n’a pas connu d’impact de la crise sur son activité de plats cuisinés, quand celle destinée à la restauration collective a été mise à l’arrêt lors du premier confinement. En conséquence les ventes sont en baisse d’un peu plus de 2,5 M€. Nous clôturons sur un chiffre d’affaires de l’ordre 15.5 M€.”
Quels ont été vos atouts pour traverser cette période ?
Nos équipes ont vraiment joué le jeu en termes d’aménagement d’horaires et d’organisation, une belle solidarité a vu le jour. Depuis septembre 2020, l’activité est à nouveau tout à fait correcte et en croissance. Ce qui a changé l’année dernière, c’est l’organisation du travail, avec des prises de poste décalées pour éviter des afflux de personnes importants. Le reste, comme le port du masque, c’est notre quotidien. Sur nos 400 salariés, depuis février 2020 nous avons seulement décelé sept cas (positifs au Covid-19, Ndlr), ce qui montre que l’on maîtrise bien notre sujet”.
Depuis le début de la crise, le secteur agroalimentaire a dû réorganiser ses filières d’approvisionnement, de production et de logistique également, pour répondre aux changements de consommation des Français. Cela a été votre cas ?
“Nous n’avons pas attendu le confinement pour travailler sur la transparence, la réduction d’additifs et les circuits-courts. Nous sommes sur ce sujet depuis plusieurs années, et hasard du calendrier sûrement, on a lancé notre filière de pommes de terre en octobre 2020 à Rives. Nous travaillons en direct avec un agriculteur et avons contracté pour la saison 2020 l’achat de 300 tonnes, puis 600 tonnes cette année, pour couvrir nos besoins d’un peu moins de 1 000 tonnes de pommes de terre pour fabriquer notre tartiflette. Fort de la réussite de cette légumerie, nous avons lancé début décembre la même chose avec les oignons.
Nous avons aussi une démarche très forte, acquise il y a plusieurs mois, sur le sans sels nitrités dans la charcuterie que l’on utilise, avec un objectif 2025 de zéro sels nitrités dans le groupe. De la même manière, d’ici février nous serons opérationnels sur les plastiques sans noir de carbone afin de permettre un meilleur tri.
On a une démarche proactive sur tout ce qui concerne la santé, l’environnement et le bien-être. Ce sont nos axes depuis 18 mois, et l’on constate que cela créé une vraie dynamique sociale.”
Ces choix résultent-ils du projet de transition agro écologique initié en 2012 par Stéphane Le Foll (ancien ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt), notamment dans la sélection de vos fournisseurs ?
“C’est une façon de se rapprocher de l’agriculture sans passer par des intermédiaires et cela va un peu à l’encontre de ce qu’il se passe peut-être en Europe, mais en France en particulier. Nous, industriels, allons parfois acheter des produits qui ont été cultivés ou élevés en France et qui pour des raisons économiques vont partir à l’étranger avant de revenir en France.
C’est une réponse à cela, même si on le voit surtout dans les produits laitiers plus que dans les légumes. Par exemple pour maintenir le cours du beurre français, celui fabriqué à Clermont-Ferrand part en Allemagne pour revenir en tant que beurre européen.
Chez Valentin, on se bat au quotidien pour raccourcir les circuits et aller vers une économie agricole et agroalimentaire avec plus de sens environnemental et économique. Car cela ne coûte pas plus cher quand on additionne l’effet économique, social et qualitatif.
Mais il faut avoir conscience que nos clients, qui veulent des produits français issus de circuit court et sans additifs, n’ont pas la capacité de subir la moindre hausse tarifaire. Cette donnée n’est pas toujours simple à gérer.”
Votre politique de développement se matérialise cette année par 23 M€ d’investissements. Quelles en sont les grandes lignes ?
“Sur Valentin Traiteur, à Mably, l’investissement de 12 M€ a permis d’agrandir notre plateforme logistique de 2 000 m2 et de construire un atelier de fabrication de 1 800 m2 pour lancer au premier trimestre de cette année, la fabrication de gnocchis avec une nouvelle ligne de production. L’objectif visé est de 6 000 tonnes. Nous avons des taux de performance et de pénétration commerciale assez forts. Pour continuer à croître, on a souhaité élargir notre offre, à la fois pour améliorer notre croissance mais aussi pour répondre à la demande de nos clients. Le gnocchi nous permettra d’aborder de nouveaux marchés 100 % végétaux. Nous visons une progression sur les trois années à venir, de 10 % par an pour nous permettre d’approcher en 2023, 80 M€ de chiffre d’affaires sur le site de Valentin.
L’autre investissement de 11 M€ se destine à Alpes Frais en Isère, avec la construction d’un nouveau site de production à Rives, sur un peu moins de 6 000 m2, avec également des investissements matériels (3 M€), dont la nouvelle légumerie. Cela permettra de passer le chiffre d’affaires du site de 18 M€ de chiffres d’affaires à 25 M€ en 2025.
Notre objectif commercial est de franchir cette barre des 100 M€ de chiffre d’affaires en élargissant notre offre de produits et clients, comme sur le site Alpes frais qui axe sa croissance sur les ventes en restauration collective et hors-foyer.
A l’échelle du groupe, la croissance vise les ventes à l’export également. Il y a cinq ans, on était peu présents à l’international. Nous clôturons l’exercice 2020 avec un volume de ventes de l’ordre de 20 % avec une présence en Espagne, au Portugal, en Allemagne, Belgique, Hollande, Suède et la Pologne depuis mi-novembre 2020″.
Quel était l’objectif de votre déménagement du site de Voreppe à Rives cet été ?
“Cela nous permet d’être un peu en avance sur la philosophie du groupe. Outre la légumerie, nous pourrons fabriquer aussi cette année notre pain de mie, pour ne plus l’acheter. Ce site a été conçu pour absorber de plus en plus de transformations, pour éviter d’aller acheter des produits élaborés ou semi-élaborés chez d’autres industriels. Une trentaine de recrutements sont prévus cette année.
Les bâtiments de Rives ont été faits dans les règles de l’art en intégrant 6 000 m2 de toiture en panneaux photovoltaïques. Nous serons en autoconsommation électrique à hauteur de 30 %.”
Au regard des difficultés que peuvent rencontrer certaines entreprises dans le contexte actuel, envisagez-vous des croissances externes ?
“Nous sommes très attentifs effectivement, mais ce depuis toujours car cela fait partie de notre stratégie. Il est clair que la crise laissera des séquelles mais nous ne sommes pas attentifs « avec des dents de requin » pour profiter du malheur des autres. Cette croissance externe doit avoir du sens par rapport à ce que l’on est aujourd’hui et ce vers quoi nous voulons aller demain.
Il nous faudra des produits en phase avec le marché, plutôt Clean Label, et où nous pourrons amener de la plus-value, c’est ce que nous avons fait avec Alpes frais production en 2012, qui est passée de 10 M€, à bientôt 20 M€ de chiffre d’affaires.
Des produits qui favorisent le circuit court, et qui peuvent être dans un réseau de distribution autre que celui de la grande distribution ou de la restauration collective.”
Ce développement de vos réseaux semble en réflexion, avez-vous des pistes ?
“En restauration collective, nous travaillons en direct en répondant à des appels d’offres. Nous avons des majors avec lesquels nous ne travaillons pas du tout comme Elior ou Compass. Ce sont des pistes mais il faut se projeter plus loin. D’autres consomment des produits élaborés, comme la SNCF ou le catering aérien, des milieux où l’on a forcément des parts de marché à prendre.
Et puis la restauration à domicile peut être un axe de développement dans les années à venir. Je suis persuadé que demain, il y aura un Amazon de l’alimentaire. Face à ce nouveau modèle en devenir, on se doit d’être attentif.”
L’export fait partie de votre stratégie de développement, après la Pologne en novembre dernier, quels nouveaux pays sont en ligne de mire ?
“Le Canada est un vrai projet sur un produit unique, le gnocchi. L’idée est de faire nos preuves avec un partenaire italien et si nous réussissons à percer correctement le marché français avec ce produit face à deux leaders que sont Lustucru et Rana, nous tenterons le marché canadien assez friand de gnocchis selon une étude que nous avons réalisée.”
Propos recueillis par Stéphanie Véron
De Pierre Clos à Valentin traiteur
La société Pierre Clos a eu 50 ans en 2020. En 2012, elle a intégré la société ligérienne Valentin traiteur, dont le site isérois est désormais situé à Rives, sous le nom Alpes Frais Production. En 1970, l’entreprise propose et commercialise des produits de restauration rapide : pizzas, quiches, crêpes, etc. Au fil des années, l’entreprise se développe, se structure, se met aux normes et va jusqu’à acquérir un confrère spécialisé dans les plats savoyards, la Vanoise. En 2013, la société Alpes Frais Production rejoint le groupe de PME Valentin Traiteur, dont le siège se situe à Mably.
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